Il se hâte. Pourtant, il n'est pas en retard, son train ne sera pas à quai avant trente minutes. Mais, il se hâte inconsciemment alignant son pas sur celui des autres voyageurs. Dans la galerie marchande de la gare, peu de badauds. La musique diffusée s’efface devant les voix et les bruits des pas. Comme d’habitude les haut-parleurs annoncent des arrivées et des départs sans qu’on en comprenne vraiment les paroles.
Les enseignes lumineuses donnent une clarté fantomatique aux silhouettes des chalands. Peut-être s’arrêtera-t-il pour acheter une revue ? Ou bien, sortir pour griller une cigarette... Mais d’abord, poinçonner son billet.
Un flot de voyageurs le double, presque à le bousculer et l’entraîne à allonger le pas. Il respire, le troupeau est passé, fermé par une silhouette blanche. Qui est-elle ? Il accorde son pas au sien. Le dos, la chute de rein lui disent qu’il s’agit d’une jeune femme. Les jambes fines dévoilées par la minijupe confirment cette première impression. Montée sur des hauts talons pas adaptés au carrelage inégal du sol. Le bruit de la valise à roulettes estompe le bruit de la galerie. Le monde autour de lui s’est effacé. Il a la sensation d’être seul regardant un film.
La jeune femme avance tranquillement, Peut-être vient-elle d’arriver ? D’où ? Habillée de blanc, elle est venue chercher le soleil. Une fille du nord, aux longs cheveux blonds qu’elle rejette en arrière pour éviter qu’ils ne soient pris dans la bandoulière de son sac à main. Quel euphémisme ! Un sac à main ! Non une besace, un fourre-tout est plus adapté ! Il regarde ses jambes légèrement halées, sans doute quelques séances d’UV pour ne pas paraître trop pâle. Son regard remonte un peu ... les hanches moulées dans la petite jupe se balancent au rythme d’une foulée très féminine. Un léger sourire étire le coin de sa bouche. Quelle idée ! Quelque fantasme... de nouveau sourire.
Il reprend conscience du monde alentour quand les haut-parleurs hurlent quelque départ. Instinctivement il jette un regarde vers l’horloge. Non, ce n’est pas encore l’heure. En relevant les yeux, il constate que la jeune femme s’est éloignée, accélérant le pas. Il sourit encore en pensant à l’histoire qu’il s’est raconté. Non, elle repart vers son nord lointain, avec un peu de soleil du sud et des couleurs de pain d’épices qu’elle pourra montrer aux gens du nord. Au bout de l’allée, elle tourne vers les voies... Il perçoit une petite poitrine, un nez droit, des lèvres pulpeuses, ... Pour le reste, il lui faudra inventer l’histoire de l’inconnue de la gare.
pour Jeu d'écriture sur
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