Voici le matin ! Matin d’été ! Matin-soleil !
L’ombre de la maison s’étire sur la terrasse. A peine levée, les cheveux en bataille, le pot de café fumant posé sur la table de jardin, j’ai bu sans la savourer ma première tasse de café, simplement pour avoir le goût du matin dans ma bouche. La dégustation sera pour la deuxième tasse, un peu plus tard. Installée sur la terrasse, je hume les odeurs de la nuit qui s’estompent arrosées par le soleil. Douce langueur du matin où la nature s’éveille ignorant les bruits parasites de l’humanité encore endormie.
Mon stylo posé sur la table flirte avec les feuilles de papier immaculées. Le carnet Moleskine endormi attend que je vienne y puiser quelques idées jetées là au gré de mon imagination et de mes découvertes.
Alors c’est mené d’une main de maître que le stylo s’élance essayant d’imiter son ancêtre le porte-plume dans l’art des pleins et des déliés. Dans sa hâte quelques accents où points sur les i ne se trouvent pas à leur place. Ceux-ci contrariés menacent de se déplacer pour se mettre en face de leurs points au risque de bousculer les consoles voisines. Que ferait un « i » sans sont point face au « m » massif, sûr qu’il ne fait pas le poids. Et ces « e » sans leurs accents, leurs mots appellent de toutes leurs lettres estropiées ou encore valides, les soins de la gomme. Mais celle-ci est absente, comme d’habitude quand on a besoin d’elle, bien à l’abri de la poussière au creux de la trousse, noyée au milieu des crayons. Devant tant de rébellion le stylo hésite puis d’une plume décidée pose les points sur les « i », les accents sur les « e » et au passage posent les barres aux « t » et, faisant plaisir au « m » accentué, rature l’inutile. C’est alors à la feuille blanche de discuter. Elle conteste le fait d’avoir été transformée en torchon. Le stylo s’excuse. La feuille de papier est triste de tous ces mots raturés, mais d’autres s' ajouteront dans les marges et quand il n’y aura plus de place des Post-it viendront se coller à elle.
Matin-soleil, l’ombre se rétracte sur la terrasse et bientôt le soleil éclaboussera la table et les feuilles de papier, la tasse de café vidée, une belle journée s’annonce.